Physicien des particules reconverti dans l'astrophysique et la cosmologie, je travaille dans la collaboration LSST (Large Synoptic Survey Telescope). L'idée de ce blog est de décrire ce que fait un chercheur au fil des jours. Rien de spectaculaire, mais plutôt un travail de fourmi sur un projet fascinant.

vendredi 15 mai 2015

Astrométrie... suite...

Après le "fitter"... le "matcher"... L'ajustement (fit) astrométrique ne peut fonctionner correctement que si l'on a préalablement associées correctement les sources présentes sur l'image avec les étoiles de référence.

Le nouvel outil de mesure d'astrométrie de LSST donnait des résultats désastreux et n'avait pas pu être mis en production. Après investigation le problème s'est révélé être dû à la mauvaise qualité de l'association des catalogues. Le système d'ajustement est en effet fortement perturbé si les associations sont incorrectes. Même une seule association erronée entraîne une dégradation importante de la solution astrométrique.


Dans l'image du CFHT ci-dessus les croix rouges indiquent la position des étoiles dans la catalogue de référence, les croix vertes, les positions des sources identifiées sur l'image et les ronds jaunes les sources qui ont été retenues dans l'association source - référence. On voit clairement que pour l'étoile au centre, l'association est erronée.

La solution est d'itérer entre "association" et "ajustement" pour ré-estimer la distance maximale entre références et sources, au delà de laquelle l'association est rejetée. En faisant cela on arrive à éliminer les mauvaises associations (appelées "outliers" dans notre jargon franglais).

Après amélioration de l'algorithme, la médiane de la distribution de la distance entre les sources et les références tombe à 22 miliarcsecondes pour les magnitudes <19, soit un bon facteur 3 d'amélioration.

Au chapitre des nouvelles marquantes : un article intéressant sur la mesure de l'effet des inhomogénéités du silicium des CCD de LSST sur la qualité des mesures : http://www.bnl.gov/newsroom/news.php?a=25610. La précision requise sur la mesure des galaxies par LSST entraîne que même les défauts liés à la croissance des cristaux de silicium peut devenir un problème sérieux. Apparemment cet effet est sous contrôle, mais il y en a bien d'autres à étudier.

mercredi 13 mai 2015

WCS et SIP

Depuis quelques mois je travaille sur deux aspects du traitement des données du CFHTLS avec les outils logiciels développés dans le cadre de LSST ; plus précisément : l'astrométrie, c'est à dire la mesure de la positions des objets célestes et la photométrie, c'est à dire la mesure du flux lumineux émis par ces objets. Astrométrie et photométrie sont deux aspects parmi d'autres des mesures de base effectuées sur les images astronomiques qui devront être parfaitement maîtrisées dans LSST.

Actuellement, la jeunesse du logiciel ("stack" dans le jargon LSST) fait que l'astrométrie et dans une moindre mesure, la photométrie souffrent de quelques imperfections qu'il convient de corriger.

Il y a deux aspects dans l'astrométrie, le premier est d'associer un objet WCS (World Coordinate System) à chaque image afin de positionner celle-ci sur la voûte céleste. Ceci se fait en comparant les sources identifiées comme étoiles à un catalogue externe reconnu en tant que référence par la communauté. L'algorithme d'association est basé sur la recherche de polygones, dont les sommets sont étoiles, communs à l'image et au catalogue de référence. Le papier de V. Tabur : "Fast Algorithms for Matching CCD Images to a Stellar Catalogue" décrit un tel algorithme qui est d'ailleurs implémenté dans le code LSST.

Le problème serait relativement simple si l'optique du télescope était parfaite. Malheureusement il faut tenir compte de tout un ensemble de distorsion lorsque l'on passe des pixels des CCD aux coordonnées célestes et inversement. Plusieurs solutions plus ou moins standards existent pour encoder les distorsions dans les objets WCS. L'une d'entre elles se nomme le SIP (Simple Imaging Polynomial) et consiste, comme son nom l'indique, à ajuster des polynômes afin de faire "coller" la position mesurée des étoiles sur les images à la référence. Le SIP permet théoriquement d'utiliser des polynômes jusqu'au degré 9. Toutefois le "fit" nécessite quelques précautions car les paramètres d'entrée étant les coordonnées en pixels des sources lumineuses, l'élévation à un degré important dans le polynôme entraîne de très grands nombres qui doivent être compensés par de tout petits coefficients, le tout conduisant à des instabilités numériques. L'astuce (connue) consiste à normaliser les coordonnées des sources sur l'intervalle [-1,+1] avant le "fit" et à rétablir la bonne échelle sur les coefficients à la fin du processus.

Donc ; plongée dans le C++ et "dépiautage" du code ont été au menu des derniers jours. Le résultat est plutôt satisfaisant puisque le "fit" du SIP est maintenant stable quand on fait varier le degré du polynôme ajusté. Il reste encore des imperfections dans le code puisque l'ajustement est fait indépendamment pour les deux axes de coordonnées ce qui nécessite d'itérer afin de faire converger l'algorithme. Un fit global sur les deux axes simultanément améliorerait certainement les choses.  

Remarque : L'ensemble du code LSST est développé en "open source", il est disponible sur github.